Burn-out chez les professionnels de santé libéraux : attention danger !

Burn-out chez les professionnels de santé libéraux : attention danger !

Sous les blouses et derrière le sourire bienveillant des soignant·e·s se cachent bien trop souvent des situations de stress intense conduisant au burn-out ou épuisement professionnel.

C’est un mal silencieux et tabou, mais un véritable problème de santé aux conséquences lourdes et parfois tragiques.

Selon un sondage publié par l’Ordre National des Infirmiers en 2018 (1), 63% des IDE et IDEL souffrent d’un ou plusieurs symptômes d’épuisement professionnel.. Un peu plus de 42% des répondants déclarent ainsi « se sentir très souvent à bout » au terme de la journée de travail et autant déclarent se sentir fatigués le matin avant d’avoir à affronter une autre journée de travail.

Dans le même temps, une étude publiée en mars 2019 montre que les médecins sont deux à trois fois plus sujets au burn-out que les non-soignants (2).

Comment comprendre cette épidémie de burn-out ? Comment prévenir l’épuisement et comment le prendre en charge ?

Comprendre le burn-out chez les professionnels de santé

Bien distinct de la dépression où le travail n’est pas la source première de mal-être, le burn-out est la résultante d’un stress chronique. Des études ont d’ailleurs pu montrer que les personnes souffrant de burn-out ne produisent pas assez de cortisol quand les personnes dépressives en produirait trop.

Ce stress chronique, progressivement poussé à son paroxysme, entraîne une fatigue extrême, une anxiété généralisée, des insomnies, des douleurs musculaires, des troubles alimentaires, des problèmes de toxicomanie et dans les cas extrêmes des pensées suicidaires. Le burn-out est ainsi un véritable problème de santé publique à prendre au sérieux.

Contrairement aux idées reçues, le burn-out ne touche pas les personnes “faibles” ou “fragiles” mais affecte avant tout des professionnels perfectionnistes, très investis, les battants, ceux et celles qui ne savent pas dire “non”.

Chez les professionnels de santé, le burn-out se compose de trois phases :

  • La fatigue émotionnelle, intimement liée à la fonction de soignant elle-même. Si la relation professionnelle prime normalement sur l’affectif, il arrive que la multiplication des situations difficiles entraîne un débordement d’émotivité qui devient de plus en plus incontrôlable.
  • La déshumanisation progressive. Comme un réflexe de survie, le soignant va se désengager de la relation humaine relative au soin. Les gestes deviennent mécaniques et le sentiment d’aigreur prime sur le sentiment d’accomplissement.
  • Le sentiment d’incompétence. Suite à la seconde phase, le professionnel va culpabiliser de ne pas remplir pleinement sa fonction et d’avoir perdu toute empathie. Progressivement, une démotivation, un sentiment d’incompétence, une dévalorisation de soi vis-à-vis du travail ou de la vie en général vont s’installer.

Ce mécanisme va conduire certains à littéralement “péter les plombs” et d’autres à se retrouver un matin incapables de se lever pour aller travailler.

Un arrêt de travail, plus ou moins long, sera le plus souvent nécessaire pour reprendre des forces psychiques et physiques.

Quels sont les facteurs du burn-out chez les soignants libéraux ?

Didier Truchot, professeur de psychologie sociale à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté a identifié un certain nombre de facteurs de burn-out rencontrés par les professionnels de santé dans leur exercice quotidien. Il les appelle “stresseurs”.

Les plus fréquents sont :

  • La charge de travail à laquelle sont associées des amplitudes horaires importantes.
  • La réalisation de différents services qui ne sont pas du ressort du professionnel.
  • Le manque de temps pour accomplir ses différentes tâches mais aussi pour se reposer et se détendre, le manque de loisirs personnels.
  • Le travail empêché. Il s’agit notamment :
    • Des relations conflictuelles que les soignants peuvent avoir avec les patients, ou confrontation à des demandes excessives de leur part et/ou de celle de leur famille.
    • Des relations tendues avec leurs collègues ou les autres professionnels de santé.
    • D’un environnement de travail contraignant comme la réalisation de soins dans des logements ou des cabinets vétustes et mal adaptés.
  • Les affects, notamment les émotions provoquées par la prise en charge de patients. en difficultés physiques ou psychologiques.
  • Les inquiétudes financières.

On pourra aussi évoquer :

  • La non-reconnaissance à sa juste valeur du métier de soignant.
  • Les excès de paperasserie.

Comment repérer le burn-out chez les soignants ?

Si le burn-out s’installe souvent de manière aussi progressive que sournoise, il est possible d’en détecter les différentes étapes afin d’intervenir à temps.

  • Le stress est le premier signe d’alerte. Il faut bien comprendre que ressentir du stress au travail de manière quotidienne n’est pas normal.
  • La phase de résistance : il arrive un moment où l’on vit le stress mais qu’on ne le ressent plus comme tel. On entre alors dans une période de déni où les symptômes du stress ne sont plus perçus.
  • La phase de rupture : le corps se met alors à réagir à nouveau et les symptômes réapparaissent. Le stress et la fatigue deviennent tels que même le repos ne les font pas disparaître. Le sommeil n’est plus réparateur et les week end ne permettent plus de se ressourcer.
  • La phase finale d’épuisement.  Si l’on n’a pas pu ou pas su réagir, l’épuisement psychique et physique devient total et le corps dit stop. La fatigue et l’anxiété envahissent le terrain, parfois jusqu’au non-retour. Il est souvent trop tard pour réagir. Un arrêt de travail et un suivi psychologique s’avèrent alors nécessaires.

Prendre en compte ces symptômes, c’est pouvoir prévenir les situations extrêmes engendrées par le burn-out.

Le burn-out des soignants : prévention et prise en charge

La prévention du stress et son dépistage avant qu’il ne devienne chronique et envahissant est essentiel afin d’éviter le burn-out.

Même si les soignant·e·s sont généralement pudiques concernant leur fatigue professionnelle et leur stress, ils peuvent trouver des moyens de limiter les facteurs de risques et de se faire aider.

  • Se regrouper. Selon une enquête de 2017(2), les infirmiers exerçant seuls effectuent en moyenne 53 heures par semaine, contre 38 heures pour ceux qui sont associés. Cette charge de travail élevée chez les IDEL travaillant seuls n’est pas sans conséquence puisqu’elle est associée à un nombre de burn-out plus important. En outre travailler à plusieurs, c’est aussi se sentir soutenu-e et pouvoir échanger. Le cabinet de groupe pourrait ainsi, lorsque cela est possible, être un bon moyen de prévenir le burn-out.
  • Accepter de prendre du temps pour soi. Cela paraît simple et évident, mais pour beaucoup, il faudra apprendre à s’accorder, par exemple, une vraie pause déjeuner ou à se libérer quelques heures dans la semaine pour pratiquer une activité de loisir.
  • Des formations destinées aux professionnels de santé existent afin d’acquérir des techniques et des outils efficaces utilisables dans le contexte d’un exercice professionnel libéral, de découvrir sa personnalité face au stress et d’identifier son profil personnel. Elles enseignent comment mettre en place une stratégie d’adaptation efficace.
  • Des solutions personnelles peuvent être mises en place et tout particulièrement un suivi psychologique et/psychiatrique pour apprendre à lâcher du lest et à sortir du surinvestissement professionnel. Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) ainsi que la méditation Mindfulness montrent de bon résultats concernant la gestion de l’anxiété généralisée, la prévention et la prise en charge du burn-out.
  • Pour certain·e·s, l’écriture (tweeter, tenir un blog, écrire un livre…) pour partager ses émotions et ses difficultés apparaît être un excellent moyen pour prendre ses distances, échanger avec ses pairs et retrouver une certaines sérénité.

Il est crucial d’agir le plus tôt possible face au stress et de ne pas rester seul·e.

Découvrez les formations continues destinées aux soignant·e·s sur le burn-out : https://www.maformationmedicale.fr/inscription?profession_id=&tags%5B%5D=123&adr_complete=&locality=&lat=&lng=

Sources :

(1) https://www.ordre-infirmiers.fr/assets/files/000/publications/Mal_etre_synthese_enquete_avril%202018.pdf

(2)https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165032718314873?via%3Dihub

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