Quoique reconnue maladie rhumatismale par l’OMS en 1992 et faisant l’objet d’une reconnaissance par l’HAS depuis 2010, la fibromyalgie demeure mal prise en charge et c’est souvent un parcours du combattant pour les patients afin d’être diagnostiqués.
S’il n’y a pas de consensus sur les termes à employer (“syndrome” ou “maladie”?) ni sur les stratégies médicamenteuses à mettre en place, il n’en demeure pas moins qu’il convient d’écouter et de reconnaître la souffrance des patients et de les accompagner dans leur quotidien.
Fibromyalgie: les signes qui doivent orienter vers une prise en charge diagnostique
Les éléments diagnostiques de la fibromyalgie sont nombreux et ont été plusieurs fois révisés comme en atteste la recommandation de l’HAS concernant le syndrome fibromyalgique chez l’adulte.
Cependant, un spectre de symptômes peuvent mettre la puce à l’oreille et permettent d’éviter l’errance diagnostique dans laquelle se retrouvent de nombreuses personnes en souffrance. Cela leur évitera aussi de s’auto-diagnostiquer en faisant leurs recherches sur internet et de tomber aux mains de charlatans peu scrupuleux.
- Des douleurs musculaires diffuses accompagnées de raideurs musculaires depuis au moins 3 mois. Un certain nombre de points du corps sont particulièrement sensibles au toucher. Les cervicales et les épaules sont généralement les premiers endroits douloureux, suivis par le dos, le thorax, les bras et les jambes.
- Dans les situations les plus lourdes, des phénomènes d’allodynie. Une sensation de gonflement est parfois présente.
- Une douleur constante aggravée par des conditions particulières (froid, humidité, manque de sommeil, stress…)
- Le sommeil est léger et non réparateur induisant une fatigue dès le lever.
- Une fatigue persistante (toute la journée). Elle est présente dans 9 cas sur 10. Le repos ne permet pas de la faire disparaître.
Si les douleurs et la fatigue sont les symptômes les plus évocateurs, d’autres peuvent venir se surajouter:
- Des maux de tête ou de fortes migraines, probablement causés par des tensions musculaires au cou et aux épaules, et par un dérèglement des voies naturelles de contrôle de la douleur.
- Un syndrome de l’intestin irritable : diarrhée, constipation et douleurs abdominales.
- Un état dépressif ou une anxiété
- Des troubles de la concentration.
- Une sensibilité accrue aux odeurs, à la lumière, au bruit et aux changements de température.
- Des paresthésies aux mains et aux pieds.
- Des menstruations douloureuses et un syndrome prémenstruel marqué.
- Une cystite interstitielle
Tous ces symptômes ont évidemment une répercussion sur la vie quotidienne du patient.
La fibromyalgie étant fonctionnelle, le diagnostic se fait essentiellement par élimination des causes organiques pouvant causer des symptômes proches: lupus, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Gougerot-Sjögren, pelvispondylite rhumatismale, pseudopolyarthrite rhizomélique, hypothyroïdie, hyperparathyroïdie, ostéomalacie, diabète phosphoré, hépatite B et C, maladie de Lyme, sida, pathologies musculaires, hypokaliémie, anémie ferriprive,, etc.
Le diagnostic pourra tout aussi bien être porté par un médecin généraliste que par un rhumatologue.
Mais, tous les professionnels de santé (gynécologues, urologues, gastro-entérologues, kinésithérapeutes, infirmiers, podologues…) confrontés à des patients hyperalgiques, souffrants d’une fatigue non pathologique peuvent être amenées à tirer la sonnette d’alarme afin d’accélérer le diagnostic et la prise en charge.
La prise en charge non médicamenteuse de la fibromyalgie
La prise en charge médicamenteuse (antalgiques, antidépresseurs, anti-épileptiques) n’est pas recommandée en première intention notamment en raison des effets indésirables, des risques d’interaction ainsi que de surdosage (leur manque relatif d’efficacité peut, en effet, conduire les patients à dépasser les doses prescrites.
Afin d’améliorer la vie de la personne fibromyalgique, une prise en charge globale et personnalisée, s’appuyant sur des spécialités médicales et paramédicales variées est nécessaire.
Cette prise en charge commence par un suivi régulier chez le médecin qui va pouvoir ainsi mieux comprendre son patient, graduer le traitement en fonction de l’impact des symptômes sur les activités quotidiennes, évaluer sa situation, en particulier ses capacités fonctionnelles (qualité du sommeil, douleurs, fatigue, anxiété, capacité à travailler, etc.) …
La réhabilitation physique
La principale prise en charge de la fibromyalgie repose sur la reprise de l’activité physique.
Elle permet le reconditionnement musculaire. Ses bénéfices sont multiples:
- elle diminue les douleurs, la fatigue et le stress ;
- elle accroît les capacités fonctionnelles ;
- elle améliore le sentiment de bien-être.
Le médecin traitant va aider le patient à prendre conscience de ces bénéfices, il va l’encourager et soutenir sa motivation. Il va aussi lui faire comprendre que l’activité physique est sans danger et ne risque pas d’augmenter les douleurs.
Mais une prise en charge par un kinésithérapeute peut être intéressante dans la mesure où celui-ci va pouvoir allier (l’un ne va pas sans l’autre) phase antalgique et phase de remise en mouvement le tout en agissant main dans la main avec son patient. C’est à dire que l’antalgique doit servir à la remise en mouvement pour casser le cercle vicieux « j’ai mal donc je ne bouge plus donc j’ai encore plus mal ». Le kinésithérapeute pourra suivre l’évolution des douleurs ainsi que donner confiance au patient dans la reprise d’une activité physique. Il saura lui prodiguer des conseils sur les sports les plus adaptés.
Le podologue pourra éventuellement appuyer cette démarche en effectuant un bilan postural. La douleur chronique aura pu, en effet, créer, par compensation, des déséquilibres qu’ils pourra éventuellement corriger par la fabrication de semelles adaptées.
L’éducation thérapeutique
Dans le cadre d’une pathologie chronique, l’éducation thérapeutique (ET) du patient est essentielle. Elle vise à aider le patients à acquérir ou maintenir les compétences dont il a besoin pour gérer au mieux sa vie quotidienne.
Elle lui permettra de mieux comprendre sa maladie afin d’en devenir acteur mais aussi de l’impliquer dans une démarche d’autosoins et de développer des compétences spécifiques à sa maladie et notamment:
- Connaître et comprendre la douleur chronique, assimiler la notion de chronicité et la distinguer de la douleur aiguë
- Remplacer les comportements inadaptés par des comportement « bien portants »
- Connaître les médicaments, savoir adapter un éventuel traitement
- Savoir qui contacter, quand et comment
- Limiter les conséquences de la douleur
- Agir sur les facteurs d’amplification de la douleur pour éviter que la douleur augmente
- Mettre en place un véritable travail sur le plan hygiéno-diététique: reprise de la marche, adoption d’une alimentation équilibrée; gestion repos, détente, activité physiques adaptées, sommeil
- Améliorer la communication sur sa pathologie – un aspect essentiel face à un syndrome mal compris et invisible
- Gérer son stress
Si le médecin traitant est en première ligne concernant l’éducation thérapeutique, d’autres professionnels sont également impliqués: infirmières, kinésithérapeutes, diététicienne, pharmaciens, etc. Des formations destinées aux soignants existent pour leur apprendre à développer leurs compétences pédagogiques et relationnelles afin d’accompagner le patient.
Prise en charge psychologique
Au cas par cas, et de manière non stigmatisante, une prise en charge psychologique pourra être conseillée. Il importe de reconnaître la douleur du patient et qu’à l’évocation du terme “psy”, il n’ait pas l’impression qu’on lui dise “c’est dans la tête”…
Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) sont tout particulièrement recommandées.
Le but est d’aider les personnes atteintes de fibromyalgies à mieux connaître et comprendre leur maladie, et à mieux gérer leurs états d’anxiété, leurs émotions et leurs douleurs.
Un des objectifs recherchés est de remplacer les pensées et les perceptions négatives pouvant aggraver les symptômes par d’autres plus positives. Cela peut demander certains changements dans la vie quotidienne.
En 2010, une méta-analyse regroupant 14 essais et plus de 900 personnes atteintes de fibromyalgie a confirmé l’utilité de la thérapie cognitive et comportementale pour améliorer la gestion de la douleur et réduire les troubles dépressifs (Efficacy of Cognitive-Behavioral Therapies in Fibromyalgia Syndrome – A Systematic Review and Metaanalysis of Randomized Controlled Trials. Bernardy K, Füber N, et al. J Rheumatol. 2010 Aug 3.)
Pratiques de soin non-conventionnelles
Si des pratiques comme l’acupuncture n’ont pas fait montre de leur efficacité sur les symptômes de la fibromyalgie, deux pratiques de soin non conventionnelles semblent montrer leurs bénéfices tant en termes de prise en charge de la douleur qu’en termes de gestion de l’anxiété : l’hypnothérapie (notamment associée aux TCC) et les méthodes de relaxation, notamment la sophrologie.
Les études portant sur ces pratiques montrent notamment des résultats réels quant à la diminution des douleurs et des tensions musculaires.
En ce sens, il n’est pas vain, pour les professionnels de santé, notamment médecins et infirmières, de se former à ces techniques qui viennent compléter des approches plus classiques. Elle permettent aux patients de bénéficier d’une prise en charge par de véritables professionnels capables d’évaluer la méthode thérapeutique avec l’intelligence que leurs compétences et leur expérience leur donne.
La fibromyalgie répond à des critères précis qui nécessite l’adaptation aussi bien du praticien que du patient. Il faut souvent utiliser plusieurs cartes à la fois pour gagner la partie contre la douleur. Si le médecin ou le soignant connaissent les bonnes cartes, le patient a les atouts en main.