Depuis novembre 2019, le Conseil d’État a ouvert la voie à la publicité pour les professionnels de santé. Le numérique et les nouveaux usages vous permettent une plus grande liberté en matière de communication et de mise en avant de votre activité libérale. Mais quels sont concrètement vos droits dans la promotion de votre exercice ? Pouvez-vous disposer d’un site web ? D’une page Facebook ?
On vous dit tout dans cet article.
Ce que dit le Code de La Santé Publique
Aujourd’hui, le code de la santé publique interdit aux professionnels de santé de faire usage de procédés directs ou indirects de publicité et ce en vertu de différents articles :
- Article R. 4127-19 du code de la santé publique (CSP) : la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale.
- Article R. 4127-13 CSP : lorsqu’il participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, le médecin doit se garder de toute attitude publicitaire.
- Article R. 4127-20 CSP : le médecin doit veiller à ce qu’il ne soit fait aucun usage publicitaire de son nom, sa qualité ou son activité professionnelle.
Mais la difficulté réside dans le fait que le Code de La Santé Publique ne donne pas de définition de la publicité.
Dès lors, il faut compter sur la jurisprudence pour laquelle la publicité est une communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services et favoriser le développement de l’activité concernée.
En outre, selon l’étude du Conseil d’Etat du 3 mai 2018 sur les règles applicables aux professionnels de santé en matière d’information et de publicité, la publicité relève de tout “procédé par lequel un professionnel de santé assure auprès du public la promotion, à des fins commerciales, de son activité”.
Dans tous les cas, la publicité doit être distinguée de l’information médicale/sanitaire qui, elle, inclut les messages et renseignements n’ayant pas ces finalités de promotion et de développement commercial de l’activité.
C’est la raison pour laquelle vous êtes autorisé à répondre à des interviews, à tenir un blog, à alimenter une chaîne Youtube, une page Facebook – dès lors qu’il ne s’agit pas de publicité mais d’information, un compte Instagram ou encore à créer des podcasts… dans la mesure où l’objectif est d’informer et non de promouvoir votre activité.
Quelles restrictions au quotidien ?
Pour respecter l’obligation de s’abstenir de toute attitude publicitaire, les professionnels de santé doivent être attentifs à certaines restrictions dans leur exercice :
- Plaques professionnelles (article R. 4127-81 CSP) : limitation à certaines mentions factuelles, présentées avec discrétion.
- Imprimés ou feuilles d’ordonnance (article R. 4127-79 CSP) : limitation aux mentions de la plaque, et aux éventuelles distinctions honorifiques et adhésion à une société agréée.
- Annuaires à destination du public (article R. 4127-80 CSP) : limitation aux mentions de la plaque et des diplômes d’études spécialisées complémentaires et des capacités.
- Messages annonçant l’installation du professionnel ou des modifications dans son exercice (article R. 4127-82 CSP) : possibilité de faire paraître une annonce dans la presse, mais sans caractère publicitaire, et sous la condition d’une communication préalable au conseil départemental de l’Ordre.
- Site Internet présentant l’activité du professionnel de santé : la création d’un site Internet est possible, mais il doit rester un outil pour donner des informations, sans revêtir de caractère publicitaire. Sa charte graphique comme sa ligne éditoriale doivent adopter une certaine sobriété et tout caractère publicitaire est prohibé. Enfin, tout site doit respecter la déontologie.
Une réglementation qui évolue et évoluera certainement encore
Des acteurs comme Google ou encore les plateformes de prise de rendez-vous en ligne (comme Doctolib, Qare ou Hellocare) ont considérablement aidé au développement de nouveaux usages numériques, incitant les patients à rechercher des informations médicales sur internet.
Les conséquences pour les professionnels de santé sont multiples :
- ils doivent surveiller leur e-reputation car ils sont désormais notés sur Google, comme un restaurant,
- les professions de santé réglementées sont répertoriées sur le moteur de recherche aux côtés de spécialités non assujetties aux mêmes contraintes, qui peuvent, elles, acheter des mots-clés (ostéopathes ou naturopathes par exemple).
Face à un certain flou mais également face à ce qui se fait dans les autres pays Européens, le Conseil d’État a levé l’interdiction de publicité pour les professionnels de santé le 6 novembre dernier.
« C’est un vent de liberté qui s’ouvre pour les médecins et les professionnels du secteur bucco-dentaire. Par sa décision, le Conseil d’État vient de mettre fin à 70 ans d’arbitraire et d’hypocrisie. » s’est réjouit Fabrice Di Vizio, avocat spécialisé dans les questions de santé. « Il n’est pas question d’autoriser tout et n’importe quoi ou de supprimer toute réglementation. Mais la publicité procède de la connaissance, d’autant plus à l’heure des réseaux sociaux et des outils modernes de communication. En Italie, cette question est réglée depuis longtemps et la médecine ne s’est pas effondrée pour autant ». a-t-il expliqué. Aujourd’hui, des mesures sont attendues pour abroger cette interdiction de la publicité devenue obsolète. Reste à savoir notamment comment le code de santé publique sera modifié en vue de cette réforme à laquelle les français sont à 64% favorables estimant que cela permettrait pour le patient de disposer d’une information « honnête » (63 %), « loyale » (61 %), voire « désintéressée » (42 %).