Télésoin : l’avis de 2 kinés sur les prises en charge réalisables à distance

Télésoin : l’avis de 2 kinés sur les prises en charge réalisables à distance

Pour faire suite à notre première partie d’entretien avec Marie et Vincent, kinésithérapeutes et créateurs du podcast “Le temps d’un lapin”, nous avons voulu leur donner la parole sur le sujet précis du télésoin en kinésithérapie. Cette pratique, rendue possible par le confinement, gagnerait selon eux à perdurer. On leur tend le micro !   

MFM – Le télésoin est une des grandes nouveautés 2020 dans le métier de kinésithérapeute. Souhaitez-vous qu’il perdure au-delà du 10 juillet ? Pensez-vous que les kinés sont assez formés ?

[Vincent] – Un grand oui ! Le télésoin a permis aux patients qui le souhaitaient de continuer leur prise en charge pendant le confinement, ou bien de débuter leur prise en charge alors que nous  redoutions que les gens attendent pour consulter. Nous sommes pour que cet outil alternatif puisse perdurer pour les patients au delà du 10 juillet. 

D’ailleurs nous avons rédigé une tribune pour réclamer son maintien et son évolution. Il doit faire partie de l’offre de soin : beaucoup de patients n’ont pas besoin de techniques manuelles. Ils ont surtout besoin d’être rassurés et guidés, de savoir comment reprendre leurs activités et quels signes surveiller. 

Pour d’autres, c’est l’occasion de bénéficier d’une prise en charge alors qu’ils ne peuvent pas sortir de chez eux, ou qu’ils ont des difficultés de déplacement, ou encore que la démographie des kinés par chez eux fait qu’il y a des délais pour accéder aux soins de kinésithérapie. C’est sûr que ça tranche avec la vision très « territoriale » des professions de santé qui exercent en général sur un secteur. 

La modernité offre des perspectives d’évolution des comportements des patients comme des soignants. Les événements nous ont montré que les kinés ne sont pas du tout formés au télésoin. Il n’existe pas encore de formation en ce sens, pour une raison simple : c’était jusqu’à présent réservé aux médecins, sans réelle volonté politique (du ministère de la santé et des syndicats) de l’étendre aux kinésithérapeutes, et il demeure encore l’incertitude quant à la persistance de cet outil après l’état d’urgence sanitaire.

Si la majorité des kinésithérapeutes qui sortent d’IFMK sont sensibilisés à l’utilisation de techniques de communication, d’éducation thérapeutique, d’entretien motivationnel, et ont une vision relativisée de l’intérêt de la thérapie manuelle, c’est loin d’être le cas de nos collègues formés il y a plus longtemps pour lesquels la kinésithérapie est avant tout un métier de toucher. Et donc pour ceux-là le fossé est très difficile à combler, d’ailleurs on a vu de la part de certain une réaction de rejet catégorique de l’outil car ce n’était pas « leur kinésithérapie ».

[Marie] – C’est aussi mon souhait. Malheureusement les dispositions législatives ont posé des restrictions qui en compliquent beaucoup la mise en place. La nécessité d’effectuer un bilan présentiel nous empêche de proposer nos services à distance, sur des territoires dépourvus de kinés par exemple ou de proposer des soins à de nouveaux patients fragiles en cas de récidive d’épidémie. C’était une approche à laquelle je n’étais pas favorable jusqu’à ce fameux épisode avec Marine où je me suis rendue compte à quel point l’abord manuel n’était qu’un adjuvant d’un processus diagnostic et thérapeutique où parfois seule l’implication du patient peut suffire. Le télésoin implique de réfléchir à d’autres stratégies de prises en charge du fait de la distance. Coup de chance, ces stratégies sont parmi les plus validées scientifiquement. A ma connaissance, la supériorité des techniques manuelles n’a toujours pas pu être démontrée quand l’intérêt d’explorer les croyances et de rassurer les patient, de les accompagner vers une reprise progressive de l’activité physique semble au moins équivalent si ce n’est plus efficace. 

Fermer le menu